En ce jour pluvieux, je vais vous narrer l’histoire d’un petit papillon qui passe plus qu’il ne vit en forêt d’Orléans. Papillon méridional, son aire de répartition est le sud de la France avec une remontée le long des côtes atlantiques, peut-être même au dessus de l’estuaire de la Loire. Partout ailleurs, il est migrateur, venant du Sud pour aller je ne sais où, il se montre sporadique. Je l’ai vu en Vendée il y a plusieurs années, et il a fallu une circonstance heureuse pour que je le voie posé sur le mélèze du jardin en septembre 2013. De la famille des Lycénidés, petit papillon bleu, il se reconnait à ses deux taches noires et à sa petite queue de l’aile postérieure. L’Azuré porte-queue, dont le binon latin est Lampides boeticus distille ses visites au gré des années. 2015 restera une année faste pour ces rencontres. Alors que la période de migration est plutôt la fin de l’été, dans la fraicheur du matin du quatorze juillet une femelle termine sa nuit sur une feuille de rhubarbe du potager. Une aile abimée, je l’observe quelques jours dans le jardin, se nourrissant sur les fleurs d’Origan ou se reposant sous les feuilles de glycine. Le huit août une nouvelle femelle me fera l’honneur de visiter mon jardin. Le dessus des ailes est brun chez la femelle et bleu chez le mâle, dimorphisme bien utile pour sexuer les visiteuses ou visiteurs. Le 13 août, alors que le soleil de mi-août s’en donne à cœur joie dans le jardin de Chécy, à l’Ouest de la forêt d’Orléans, le ballet d’un petit papillon entre le rosier et l’unique pied de pois de senteur, Lathyrus odoratus, m’intrigue. L’enquête menée, une femelle de Lampides boeticus dépose, un à un, ses œufs sur les boutons floraux des pois de senteur. Plus d’une vingtaine d’œufs seront déposés. Le lendemain, sur les pois de senteur du jardin de mon voisin à Les Bordes, à l’Est de la forêt d’Orléans, je découvre aussi des œufs. Quarante kilomètres d’écart à vol de papillon séparent les deux stations. Je prélève quelques œufs sur chaque station, que je place en élevage. La présence de jeunes chenilles est certaine dans les boutons floraux, mais il me faut attendre douze jours pour les apercevoir. La consommation des fleurs de pois de senteur est rapide, les chenilles mangent beaucoup et les fleurs sèchent vite. Pour ne pas dégarnir les pieds où se situent les restes des pontes, je trouve une friche où le pois de senteur est roi. Malgré cette densité de fleurs, je n’observe aucun imago et aucune ponte sur ce lieu. En quinze jours seulement, les chenilles arrivent à terme et fin août certaines sont en pré-nymphose. L’observation attentive des pieds de pois de senteur où j’ai trouvé les pontes ne donne aucun résultat : plus d’œufs, pas de trace de chenille, pas de fleur mangée, pas de chrysalide. Aucune explication ne vient à mon esprit. La visite d’un mâle le deux septembre sera le seul événement du mois. Le premier octobre, un mâle dont les ailes postérieures sont mal formées est présent dans la boîte d’élevage, sa malformation lui est fatale. Le six, un nouveau mâle et le huit une femelle sont nés. Déposés sur le lieu de ponte de Chécy, ils s’envolent simultanément dans la même direction. Aujourd’hui, quelques chrysalides n’ont pas livré de papillons, peut-être une émergence au printemps ? Alors l’Azuré porte-queue est un papillon migrateur en forêt d’Orléans, sa femelle y pond ses œufs, mais subsiste le doute de sa reproduction. Jusqu’à quand ?
CLASSIFICATION
- Règne : Animalia
- Division : Arthropoda
- Classe : Insecta
- Ordre : Lepidoptera
- Famille : Lycaenidae
- Genre : Lampides
- Espèce : boeticus
- L’Azuré porte-queue, L’Argus porte-queue, Le Lycène du Baguenaudier.
- Première observation de l’Azuré porte-queue chez moi en septembre 2013, un mâle sur le mélèze.
- Le matin du 14 juillet 2015, une femelle attend le soleil pour repartir.
- Le 8 août, encore une femelle de passage dans le jardin à l’orée de la forêt d’Orléans.
- Le 13 août, une femelle fait la navette entre les fleurs de pois de senteur et les feuilles de rosier juste au dessus.
- La même femelle dépose ses œufs un à un sur les fleurs.
- Les œufs pondus à Chécy le 13 août sur les boutons floraux. A peine un millimètre de diamètre.
- Les œufs trouvés sur les pois de senteur de Les Bordes le 14 août. Ils sont déposés sur les pétales ou sur les sépales.
- Incubasion des œufs comprise, il a fallu douze jours avant d’apercevoir une chenille. Avant, elle mange l’intérieur des fleurs, peut-être pour se protéger.
- La chenille ne dépasse pas le cm de longueur, la tête est noire. La jeune chenille est verte ou rose.
- La vue d’un œuf avec l’orifice de sortie de la chenille. Le chorion reste en place.
- Une chenille de dernier stade ou arrivée à terme quinze jours après la ponte.
- La chenille a commencé sa nymphose, le changement de couleur est net.
- Nouvelle visite d’un mâle le 2 septembre, de 26 à 36 mm d’envergure, il ne passe pas inaperçu.
- Le 1 octobre, soit trente jours après les premières chrysalides, émerge un mâle dont les ailes postérieures sont mal formées.
- Double vue des chrysalides, à gauche après l’émergence du papillon, à droite le papillon est encore dans la boîte.
- Le 6 octobre, nouvelle émergence d’un mâle.
- Le 8 octobre, émergence d’une femelle, plus grande que le mâle, le revers est plus foncé.
- Photo souvenir avant la mise en liberté sur les lieux de la ponte. Envol simultané et dans la même direction. La femelle est devant.