En ces journées moroses, tristes et froides, alors que la longueur du jour croît, tout est  terne en forêt d’Orléans. Le bruit lancinant d’une tronçonneuse au loin fait écho à la plainte d’un Geai des chênes, dérangé par notre présence. La nature s’est recroquevillée telle une marmotte dans son terrier. Tout est gris, tout est brun, l’hiver est là, somnifère puissant de la forêt. Les luxurieuses Fougères aigles (Pteridium aquilinum), si vaillantes, si prétentieuses des sous-bois, sont pliées, cassées, créant une expression de vide dans les futaies. Mais ici, là, au pied d’un jeune chêne, des fougères font de la résistance. Diable ! Une touche de vert en bordure de chemin, qui l’eut cru ? Des feuilles de fougères, sorties de terre en toute liberté, ici et là, en bonne santé, il y a assez d’intrigues pour mener une enquête. Pas facile les fougères ! Ce sont des plantes sans fleur donc sans graine. Elles se reproduisent par des spores comme les champignons, souvent asexuées, il faut la rencontre de deux spores pour avoir une nouvelle plante. Une chose est sûre, ce n’est pas la Fougère aigle. Alors observons les feuilles dont le nom exact est fronde pour les fougères. Elles sont espacées, comme si chaque pied n’avait qu’une fronde. En fait, elles se développent sur un rhizome rampant dont le développement peut occuper une surface de plusieurs mètres carrés. C’est un Polypode (du grec polus = nombreux et podion = petit pied), fougère assez rare en forêt d’Orléans, surtout sur le massif acide de Lorris. Le genre Polypodium  est de façon simple représenté par trois espèces en France, oublions les hybrides et les sous-espèces. Polypodium cambricum, le Polypode du Pays de Galles, est plus méridional. Un de moins, ouf. Après, cela se joue entre Polypodium vulgare et Polypodium interjunctum. Pour séparer les deux espèces avec certitude il convient de regarder les sporanges au microscope. Cette vérité scientifique ne se discute pas. Il faut compter les cellules de l’anneau mécanique du sporange : onze à quatorze pour Polypodium vulgare, sept à neuf pour Polypodium interjunctum. Les sporanges sont des petits sacs d’un quart de mm environ qui contiennent les spores. Ils sont regroupés pour les Polypodes en amas circulaire sous les pennes des frondes. Les pennes sont les divisions primaires des frondes. Alors, sans microscope en forêt, il faut regarder les frondes et leurs proportions. La fronde de P. vulgare ne dépasse pas sept centimètres de large, elle est trois fois plus longue que large. La fronde de P. interjunctum peut dépasser les sept centimètres de largeur et sa longueur ne dépasse pas trois fois sa largeur. Ces considérations macroscopiques et son habitat au pied d’un chêne sur un sol siliceux m’autorise à penser (comme l’on dit dans certains milieux) que je vous présente le Polypode vulgaire, Polypodium vulgare. La certitude viendra avec une étude microscopique d’un sporange.

CLASSIFICATION

  • Règne          : Plantae
  • Division      : Pteridophyta
  • Classe           : Filicopsida
  • Ordre            : Polypodiales
  • Famille         : Polypodiaceae
  • Genre            : Polypodium
  • Espèce          : vulgare